Libéralités au bénéfice des fondations et associations : quelles évolutions à horizon 2030 ?
- Marie d'Almaris

- 8 oct.
- 5 min de lecture
Un levier devenu indispensable
En 2022, les libéralités (legs, donations et assurance-vie) ont représenté près de 1,3 milliard d’euros pour les associations et fondations françaises. Cela équivaut à un quart de la générosité issue du public et à environ 9 % du budget global en moyenne des structures bénéficiaires.
Longtemps perçues comme un simple complément, les libéralités occupent désormais une place centrale dans le financement du secteur non lucratif. Elles offrent aux associations et fondations une opportunité de renforcer leur autonomie et de diversifier durablement leurs ressources, dans un contexte où les soutiens publics évoluent.
1. 1. Une évolution démographique et culturelle porteuse d’engagement
Le vieillissement de la population et les importants transferts de patrimoine prévus dans les prochaines années ouvrent une période de transformation pour le monde associatif. De plus en plus de personnes cherchent à donner du sens à la transmission de leurs biens, en veillant à ce que leur patrimoine puisse continuer à soutenir les valeurs et les causes qui leur tiennent à cœur.
Selon le Baromètre Testament Solidaire / OpinionWay, 10 % des Français déclarent avoir prévu, envisager ou pouvoir envisager de faire un legs à une cause d’intérêt général. Mais la même étude souligne aussi que 70 % n’envisagent pas de le faire, tandis que 20 % ne savent pas se positionner.
« On en déduit que 20 % de la population ne sait pas se positionner sur le sujet, soit par absence de connaissance de cette possibilité, soit par manque d’informations pour se lancer », explique Sandrine Damalix, Responsable Fédérale des Libéralités chez la Fédération Handicap International – Humanité & Inclusion. (Source : Carenews / Testament Solidaire)
D’après le baromètre, près d’un Français sur deux estime manquer de clarté sur la manière dont les legs sont utilisés, un frein majeur à la décision de transmettre une partie de son patrimoine à une cause d’intérêt général.
👉 Cela montre bien que l’enjeu n’est pas uniquement démographique, mais aussi culturel et pédagogique. Beaucoup de Français ignorent encore qu’il est possible de transmettre une partie de leur patrimoine à une cause d’intérêt général. Le rôle des fondations et associations est donc d’informer, rassurer et accompagner :
en apportant des informations claires et accessibles,
en travaillant main dans la main avec les notaires et conseillers patrimoniaux,
et en garantissant la bonne utilisation des ressources légués, conformément aux volontés du testateur.
Le contexte démographique ouvre ainsi une perspective nouvelle : celle d’accompagner les donateurs dans leur projet de transmission, dans une logique de confiance et de continuité.
2. L’assurance-vie, un pilier en forte croissance
Longtemps perçue comme un outil secondaire, l’assurance-vie est devenue un vecteur incontournable de la générosité patrimoniale. Entre 2013 et 2022, les montants collectés via l’assurance-vie ont progressé de +93 %, contre +46 % pour les legs. Sa part atteint désormais 30 % des libéralités, contre 24 % en 2013.
Ce succès tient à plusieurs facteurs :
Pour les particuliers, la désignation d’une fondation ou d’une association comme bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie est simple, réversible et non contraignante.
Pour les familles, ce dispositif est souvent perçu comme moins intrusif qu’un testament.
Pour les organisations, il s’agit aussi d’un flux plus rapide que les legs, car moins dépendant des délais successoraux.
👉 Les responsables libéralités doivent donc :
intégrer l’assurance-vie dans leur discours systématique auprès des donateurs et prescripteurs,
développer des supports pédagogiques expliquant comment désigner une organisation comme bénéficiaire,
et tisser des liens avec le secteur assurantiel (compagnies, fédérations professionnelles).
Ne pas investir ce champ serait se priver d’un gisement de croissance essentiel.
3. Une collecte plus diversifiée mais encore concentrée
La collecte de libéralités s’est largement démocratisée : alors qu’il y a vingt ans seules quelques grandes fondations bénéficiaient de ce flux, aujourd’hui près de 9 organisations majeures sur 10 en perçoivent.
Cela traduit une véritable évolution du secteur :
Les libéralités ne sont plus uniquement réservées aux structures « historiques » ou aux grandes causes nationales.
De nombreuses associations de taille moyenne commencent à recevoir des legs ou des assurances-vie, parfois de façon inattendue.
Cependant, cette démocratisation ne gomme pas la forte concentration des montants : en 2022, 88 % des libéralités provenaient de 40 organisations seulement.
👉 Les opportunités existent pour tous, mais elles nécessitent un investissement structuré (outils, formation, procédures). Les structures de taille intermédiaire peuvent tirer leur épingle du jeu à condition de se positionner clairement, d’entretenir la relation avec les prescripteurs et de mettre en avant leur mission.
4. Une ressource sensible aux crises, mais durablement en progression
Sur le long terme, la tendance est claire : les libéralités ont progressé de +121 % entre 2005 et 2022. Mais cette progression connaît des à-coups liés au contexte :
En 2020, la crise Covid et le ralentissement notarial ont entraîné une baisse.
En 2021, la reprise a été spectaculaire avec +18 %.
En 2022, l’inflation a réduit la valeur réelle des montants collectés.
Les libéralités sont donc structurellement croissantes, mais conjoncturellement volatiles. Pour les responsables libéralités, cela suppose :
d’éviter de bâtir un budget en comptant sur une progression linéaire,
de lisser les recettes sur plusieurs exercices,
et de prévoir des marges de précaution en cas de ralentissement ponctuel.
5. La confiance des Français, un atout majeur
Un autre facteur encourageant réside dans la progression de la confiance. En 2024, 64 % des Français déclaraient avoir confiance dans les associations et fondations (Baromètre Viavoice – Don en Confiance).
Dans un contexte où la confiance dans les institutions est en recul, ce capital confiance constitue un avantage compétitif majeur pour le secteur non lucratif.
Pour en tirer parti, les organisations doivent :
Renforcer la transparence : expliquer clairement l’usage des libéralités reçues, publier des exemples concrets de projets financés,
Valoriser l’impact : montrer en quoi chaque legs ou assurance-vie contribue réellement aux missions,
Soigner la relation avec les familles et les notaires, afin d’ancrer une réputation de sérieux et de fiabilité.
6. Développer les libéralités : une nécessité et une opportunité de croissance
Depuis plusieurs années, les financements publics connaissent une tendance à la baisse et les subventions deviennent plus sélectives. Si cela constitue un défi pour les associations et fondations, c’est aussi un signal fort : il devient indispensable de diversifier les sources de revenus pour renforcer la résilience financière des structures.
Dans ce contexte, les libéralités apparaissent comme un vecteur d’autonomie et de développement. Elles offrent une double opportunité :
sécuriser des financements pérennes, indépendants des cycles budgétaires publics,
et investir dans de nouveaux projets porteurs d’innovation et de visibilité.
👉 Développer une stratégie libéralités ambitieuse, c’est non seulement compenser l’évolution des financements publics, mais aussi ouvrir de nouvelles perspectives de croissance et donner davantage de moyens aux missions sociales, culturelles ou environnementales.
Recommandations pour 2025-2030
Faire des libéralités un axe prioritaire du plan de financement, aux côtés du don régulier et du mécénat.
Intégrer pleinement l’assurance-vie dans la stratégie, avec des supports et partenariats dédiés.
Développer une gouvernance claire : comité libéralités, procédures d’acceptation/refus, reporting d’impact.
Anticiper la gestion immobilière des legs et donations : disposer de partenaires pour le débarras, l’entretien, les diagnostics et la mise en vente.
Prévoir la volatilité : construire des prévisions budgétaires prudentes et pluriannuelles.
Investir dans la transparence et la communication : renforcer le lien de confiance avec les testateurs et leurs proches.
Conclusion
À horizon 2030, les legs et donations vont s’affirmer comme l’un des principaux leviers financiers des OSBL. Les chiffres le confirment : 10 % des Français envisagent de léguer à une cause, et la tendance démographique soutient cette dynamique.
Mais pour que cette promesse se concrétise, les organisations doivent dès maintenant se professionnaliser, diversifier leurs canaux et travailler leur transparence. Dans un contexte où les financements publics se resserrent, développer les libéralités n’est pas seulement une nécessité : c’est une opportunité de renforcer l’autonomie et l’impact des missions d’intérêt général.


